Entretien avec Dr Abdoulaye BOUSSO, Directeur du Centre des Opérations d’Urgence sanitaire (COUS) sur la gestion de la pandémie du Coronavirus au Sénégal. La pandémie de la Covid-19 a impacté le monde, entrainant des bouleversements tant du point de vue économique que sanitaire. Pour mieux comprendre son mode de prise en charge, ses perspectives d’évolution et l’implication du Sénégal dans le suivi épidémiologique mondial, « Avis d’Expert » reçoit le Docteur Abdoulaye BOUSSO, actuel Directeur du Centre des Opérations d’Urgence sanitaire (COUS). Dr BOUSSO est un expert en gestion des urgences et catastrophes sanitaires. Il est aussi expert auprès de l’OMS pour le Règlement sanitaire international et pour le Développement des Centres d’Opération d’Urgence de Santé publique. Titulaire d’un double diplôme en chirurgie orthopédique et traumatologique et en gestion des finances publiques, il dirige le COUS depuis le début de la crise, organe au cœur de la stratégie de lutte contre la pandémie au Sénégal. Bonjour Docteur. Vous avez été révélé au public sénégalais, ainsi que le Centre des Opérations d’Urgence sanitaire que vous dirigez avec l’avènement de la pandémie du coronavirus. Nous allons tout d’abord parler du COUS. Pouvez-vous nous faire l’historique du centre, nous parler de ses missions ? « L’idée était de créer une entité qui puisse se consacrer aux urgences, permettant ainsi aux autres départements et services du ministère de la Santé de continuer à fonctionner normalement. » Le Centre des Opérations d’Urgence sanitaire est une leçon apprise de l’épidémie d’Ebola qui a sévi en 2014 ; il a été créé le 1er décembre 2014 par l’ancienne Ministre de la Santé, le Professeur Awa Marie Collé SECK. C’est une leçon apprise qui partait du principe qu’il nous fallait une structure permanente qui pouvait gérer les urgences 24h/24 et 7j/7. Parce que, même si on avait qu’un seul cas pendant la période « EBOLA », l’ensemble du ministère était mobilisé et ce n’était pas une bonne chose, parce que cela mettait en veilleuse l’ensemble des projets et des programmes. Donc, l’idée était de créer une entité qui puisse se consacrer aux urgences permettant ainsi aux que les autres départements et services du ministère de la Santé puissent continuer à fonctionner normalement. C’est donc cette réorganisation interne qui a motivé la création de ce centre. Quelles sont ses missions ? « Beaucoup pensent que nous sommes uniquement dans la réponse, mais le COUS intervient avant, pendant et après la crise. » Les missions sont très vastes. Il est vrai que beaucoup pensent que nous sommes uniquement dans la réponse. Effectivement on nous entend que quand il y a un évènement de santé publique, mais ce qu’il faut savoir, c’est que le centre intervient avant la réponse. Donc, nous intervenons dans la préparation, c’est-à-dire toute la partie de l’identification des risques, des ressources, dans l’élaboration de plans, des procédures, la formation du personnel, des exercices de simulations, etc. C’est pour dire que nous sommes d’abord dans l’anticipation. Maintenant, quand la crise survient, nous coordonnons la réponse opérationnelle au niveau du territoire. Nous intervenons également après la crise, parce que nous participons à ce qu’on appelle la « phase de rétablissement », c’est-à-dire le retour d’expérience. Donc, nous évaluons tout ce qui a été fait pendant la crise : les stratégies et les procédures qui ont été élaborées et appliquées, en tirant les conclusions qui permettront d’éviter d’avoir les mêmes difficultés, en cas de nouvelle crise. Avez-vous des antennes régionales ? « Nous nous appuyons sur les quatorze (14) régions médicales, qui sont superposées aux régions administratives. » Nous n’avons pas d’antennes dans les régions. Nous avons pris l’option d’avoir une structure nationale. Le Sénégal n’est pas très grand. Nous nous appuyons sur les quatorze (14) régions médicales, qui sont superposées aux régions administratives. Donc ce sont les équipes de région que nous renforçons en termes d’infrastructures, de formation, pour éviter de dupliquer le système. Et un centre des opérations coûte cher. Celui-ci a coûté près de 2 millions de dollars en termes de construction et d’équipements. Donc, ce n’est pas très évident de pouvoir le démultiplier. Et comme je l’ai dit, le Sénégal n’est pas très grand. Même en 6h ou 7h de voiture, nous sommes à n’importe quel point sur le territoire et en une heure par voie aérienne à partir de Dakar. Donc, nous pouvons appuyer les Régions pour pouvoir mener les réponses. Comment définissez-vous une urgence sanitaire ? « L’urgence médicale est une composante de l’urgence sanitaire. » Il s’agit d’une question importante. Parce que il y’a beaucoup de confusions entre l’urgence sanitaire et l’urgence médicale. D’ailleurs, au début de la création du centre, certains faisaient la confusion, en se demandant pourquoi avoir le Centre d’Opération d’Urgence sanitaire, car on a déjà le SAMU. Mais il faut savoir que c’est complétement différent. L’urgence sanitaire est beaucoup plus globale. Elle n’englobe pas que le volet médical, c’est-à-dire la gestion du malade. C’est avant, pendant et après la maladie. L’urgence sanitaire entraine une réponse multisectorielle et multidisciplinaire, impliquant beaucoup de spécialistes qui prennent en compte, sur le plan médical, les malades ; mais aussi, au-delà du malade, l’impact que cela peut avoir sur la famille et la société. Donc, l’urgence sanitaire est beaucoup plus large. Ce qu’il faut retenir, c’est que l’urgence médicale est une composante de l’urgence sanitaire. A partir de quel moment décrétez-vous l’urgence sanitaire ? C’est en fonction de l’intensité. Il y a aussi d’autres indicateurs, notamment la gravité, la contagiosité et l’étendue de l’évènement qui font dire qu’on est dans une urgence sanitaire. Dans le cas de la Covid-19, son caractère pandémique et sa contagiosité rapide sont des éléments qui font qu’on la considère comme une urgence sanitaire. Comment le COUS intervient-il dans ces situations ? Notre intervention se déroule pendant la phase de réponse. Comme j’ai dit, on n’avait toute une phase préparatoire. Maintenant la réponse, elle est structurée, et aujourd’hui, dans le monde, l’ensemble des organisations internationales ont validé un type de gestion de la réponse, qui est le système de gestion des incidents, qui est une structuration bien définie, bien hiérarchisée. Le Centre des Opérations d’Urgence sanitaire est l’outil de la réponse.