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Entretien avec Dr Abdoulaye BOUSSO (Deuxième partie)
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Entretien avec Dr Abdoulaye BOUSSO (Deuxième partie)

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Depuis quelques temps le nombre de cas a drastiquement diminué, y a-t-il un moyen de changer de stratégie et, à travers des actions localisées, d’endiguer définitivement la pandémie, même si nous pourrions plus tard, avoir des cas par les frontières ? 

« Nous sommes dans une phase où ce n’est pas le secteur médical qui va mettre fin à cette épidémie, mais les populations elles-mêmes. »

La stratégie qu’on a actuellement, je pense qu’on va la garder. Car elle fait des résultats. Sur les risques d’importation, nous travaillons beaucoup avec déjà une procédure qui est en place et qui dit que toutes les personnes qui rentrent dans le pays doivent faire un test. C’est vrai qu’il y a encore quelques difficultés par rapport à l’application de cette procédure, mais elle devrait permettre de ne plus avoir de cas importés. Dans ces genres d’épidémie, on ne peut pas tout maîtriser. Le fait d’avoir une baisse des cas qui se maintient pour nous, ce n’est pas quelque chose de facile. Maintenant il faut surtout insister sur la communication. Nous sommes dans une phase où ce n’est pas le secteur médical qui va mettre fin à cette épidémie ; ce sont les populations elles-mêmes. Il faut insister encore sur le respect des mesures barrières. Mais là, il y a un travail d’analyse sur les différents sites dans les Régions et voir un peu quels sont les points rouges sur lesquels on mettrait l’accent dans le cadre du dépistage, de la communication, pour arriver à mettre fin à l’épidémie. Mais ce n’est pas un exercice facile.

L’hydro chloroquine est-il toujours utilisé chez nous ? 

Oui. L’hydro chloroquine est toujours utilisé au Sénégal. Aujourd’hui, dans le cadre de notre procédure de prise en charge, il est toujours utilisé pour les patients de la Covid-19.

Peut-il être utilisé pour tous les malades ? 

En fait, l’hydro chloroquine a des indications. Par exemple, les malades graves, les malades avec des contre-indications ne le prennent pas. Donc c’est vraiment pour les malades non graves et qui n’ont pas des contre-indications par rapport à l’hydro chloroquine.

Qu’est-ce qui est utilisé pour ces malades ? 

Il y a d’autres types de médicaments. Vous savez, comme on l’a dit au départ, il n’y a pas de médicament spécifique, pour le coronavirus : c’est un traitement symptomatique. Tout ce qu’un malade développe comme symptôme, nous le traitons. Deux malades peuvent avoir des symptômes complétement différents. On voit même des malades qui n’ont pas de signes. Pour ceux-là, on peut même ne pas donner de traitement. Et il y’en a beaucoup qui sont guéris sans avoir pris de traitement. Donc le traitement est juste symptomatique, en fonction des symptômes de la personne.

Dans un entretien que nous avons fait avec M. Abdou SENE , Professeur titulaire de Mathématiques appliquées et Responsable du Pôle d’Innovation et d’Expertise pour le Développement (PIED) à l’UN-CHK, nous évoquions l’importance des mathématiques dans les prévisions d’évolution de la maladie. Au niveau national, est-ce qu’il y’a un suivi épidémiologique pour permettre une adaptation de la stratégie ? 

Oui bien sûr. Tous les matins, nous avons notre réunion de point de situation épidémiologique sur la situation. Donc nous avons nos équipes d’épidémiologistes qui travaillent sur les données que nous exploitons tous les jours, et, qui permettent d’orienter la stratégie. Maintenant pour taquiner nos collègues mathématiciens, au début, on parlait de modélisation, mais j’avoue que toutes les projections qui avaient été faites ne se sont pas réalisées. A mon avis, il y a des variables qu’ils n’arrivent pas à maitriser et qui font que toutes les projections au départ ne se sont pas révélées.

Le vaccin semble être l’unique moyen pour maitriser la pandémie. Selon les avancées annoncées par des groupes pharmaceutiques participant à son élaboration, quelle serait selon vous sa date de disponibilité ? 

Les projections c’est sur l’année prochaine. Un vaccin ce n’est pas aussi quelque chose de très rapide à élaborer. Il y a beaucoup d’étapes à franchir. Aujourd’hui les projections nous donnent vers le premier trimestre de 2021 pour avoir le vaccin.

Le Sénégal a-t-il mis en place un plan d’acquisition du futur vaccin à l’instar des pays européens ?

Oui. Le Sénégal fait partie de l’OMS, des Nations unies, donc il y a des stratégies au niveau continental, sous régional, dans le cadre de la prise en charge de tous les aspects au niveau des médicaments et des vaccins. Nous n’avons pas d’inquiétude. Demain s’il y a un vaccin homologué par l’organisation mondiale de la santé (OMS), il pourra être disponible dans le pays.

Immédiatement ?

Oui, je pense. Aujourd’hui, on est dans une situation où aucun pays ne peut dire « je me réserve le vaccin ». Parce que cette crise, pour la régler, il faut que tous les pays règlent ça en même temps. Donc, c’est dans l’intérêt de tout le monde que les moyens de traitement soient disponibles partout. Parce que tant qu’il restera un pays où l’épidémie continue, il y a un risque encore d’importation à partir de celui-ci. Donc, pour la question de disponibilité des moyens de prise en charge, nous n’avons pas d’inquiétude.

Il a été dit à un moment que les essais cliniques sur le vaccin seraient en train de se faire au Sénégal ? 

(Etonné) Sur le vaccin ?

Oui. 

Non. Non. Non. Ça, je peux confirmer que non. Vous savez, le Sénégal quand même est bien structuré. On ne peut pas venir faire des essais, sans pour autant que cela ne soit validé. Nous avons un comité d’éthique composé d’experts, et toute étude, qu’elle soit nationale ou internationale, doit recevoir son accord. Vous devez amener l’ensemble des éléments de la recherche. C’est un comité indépendant, qui étudie et qui donne son feu vert. Donc pour le moment, je n’ai pas du tout connaissance d’essais cliniques sur le vaccin.

Comment notre pays est-il impliqué dans la lutte au niveau international ?

Aujourd’hui, nous sommes plus dans le partage d’informations. Et nous pouvons nous féliciter que le Sénégal soit beaucoup sollicité dans le partage de sa stratégie. Car, beaucoup ont reconnu l’efficacité de la stratégie du Sénégal et donc, à ce stade, nous sommes toujours dans des échanges à travers des webinaires avec des collègues, des institutions internationales pour partager l’expérience ; et nous le faisons de manière régulière.

Le Sénégal a été classé au deuxième (2e) rang de l’indice de la réponse globale de la gestion de la pandémie, ce qui consacre la qualité de notre riposte et la pertinence des mesures prises. Qu’est-ce que notre pays a fait de mieux selon vous ? 

« L’organisation de la réponse, avec ses différents niveaux : stratégique, opérationnel et tactique ; mais aussi l’engagement des hautes autorités ont été remarquables. »

A mon avis, c’est d’abord une bonne organisation, malgré des moyens et ressources qui ne sont pas toujours suffisants. Nous avons une bonne organisation et cela a été reconnu. Je pense que l’organisation de la réponse, avec ses différents niveaux qui sont d’ordres stratégique, opérationnel, tactique, la décentralisation de la réponse au niveau des districts sanitaires qui font l’identification des cas, les prélèvements sur les patients, mais aussi l’engagement des hautes autorités depuis le Président de la République, en passant par le Ministre de la Santé, des décisions qui ont été prises très tôt par le Sénégal, la transparence du Sénégal dans la communication aussi ont été remarquables. Il y a une grande résilience par rapport au système de santé et qui est parti d’un seul centre de traitement sis à l’hôpital Fann, apte à pouvoir développer en même temps trente-six sites de prise en charge. C’est l’ensemble de ces actions au niveau du pays qui ont été pondérés et qui ont montré que le Sénégal a eu une bonne gestion de cette épidémie. Et aujourd’hui on voit les résultats avec la baisse des cas.

Selon vous, qu’est-ce que cette pandémie a pu apporter de nouveau à la communauté scientifique et même au COUS, qui servirait pour la prise en charge d’autres pathologies ?

« Je pense que l’humilité est la première chose apprise de cette pandémie »

Je pense que la première chose, c’est l’humilité, pour la science. Car on est face à une situation où personne n’a le remède. Il n’y a pas une stratégie qui peut être appliquée partout. Pour une fois, on a une épidémie où chaque pays a un contexte particulier. Il faut savoir s’adapter au contexte et également, voir qu’on peut également avoir une urgence sanitaire qui peut mettre en jeu la sécurité nationale. Donc je pense qu’il y a beaucoup à apprendre. Il y a également la nécessité de nos pays d’être bien organisés, mais aussi de pouvoir disposer de stocks de sécurité. On l’a vu, au moment où l’épidémie s’est déclenchée, beaucoup de pays ont réquisitionné l’ensemble de leurs équipements sanitaires. Les frontières ont été fermées et cela a mis en danger certains pays. Donc il est très important de tirer des leçons de cette épidémie et que les pays puissent se renforcer en tout cas sur des points stratégiques, pour pouvoir faire face. Parce que ces genres d’événements, il ne faut pas qu’on se voile la face, on en aura d’autres et il faut vraiment qu’on tire des leçons de cela. Et après sur le plan scientifique, nous avons vraiment appris. Nos attitudes ont beaucoup évolué pendant cette pandémie et demain, s’il y a d’autres épidémies de ce type, il y aura une meilleure compréhension de la physiopathologie de cette maladie et de son évolution avec le temps.

Nous arrivons au terme de cette interview. Quel est votre dernier mot, votre message ? 

« Je remercie l’UN-CHK qui nous a beaucoup aidé pour les activités de formation en ligne. »

Le message c’est de dire que l’épidémie n’est pas encore finie. (Il se répète). Je pense qu’il faut qu’on prenne cela en compte. Il ne faut surtout pas qu’on se relâche. Il faut continuer à respecter les mesures barrières. Tant que cette épidémie n’aura pas disparue dans le monde, notre pays sera encore à risque. Il faudra continuer la mobilisation et aussi montrer qu’effectivement au Sénégal, nous avons les capacités pour faire face à ce genre d’urgence.

Je remercie aussi l’UN-CHK pour son soutien. Vous nous avez beaucoup aidés, surtout avec les activités de formation qu’il y a eu à un moment en ligne. Ça nous a donné beaucoup d’idées pour la suite. Dans le cadre de la collaboration, on va voir comment on va exploiter cette expérience. Je pense aussi que cette épidémie, avec le fait que les frontières soient fermées, a aussi fouetté un peu l’ingéniosité des sénégalais. Cela a mis aussi en valeur les ressources que nous avons. Quand on voit les universités techniques qui fabriquent des gels, des distributeurs, cela a permis au pays de pouvoir aussi s’adapter et montrer qu’il y a un potentiel et dans tous les secteurs. Et que ces potentiels, si on les soutient, on peut faire beaucoup de bonnes choses. Pour nous, les formations en ligne que vous (l’UN-CHK) avez déjà expérimentées avec nous, ce sont des choses que l’on doit continuer, au-delà de cette épidémie. Donc c’est déjà un aspect important et surtout la collaboration avec les autres secteurs.

A quels secteurs faites-vous allusion ? 

« Il faut soutenir les start-ups et le volet recherche… ; …les nombreuses initiatives relatives au développement de robots, à la fabrication de respirateurs artificiels et de gels hydro alcooliques, etc. »  

Il y a tout ce qui est scientifique. Je parle des mathématiciens, des statisticiens, mais également des ingénieurs. On voit par exemple l’initiative de la fabrication des respirateurs artificiels et on sait que nos techniciens en ont la capacité. Maintenant, il faudra qu’on les soutienne. Toutes ces start-ups, ces universités qui sont en train de faire de la recherche et qui, à l’instar des autres pays développés, peuvent vraiment faire d’excellentes choses. Et nous l’avons vu avec le développement de ce robot, les gels hydro alcooliques qui ont été fabriqués en grande quantité. Maintenant, il faudra les appuyer pour qu’on arrive à faire des productions et à les exporter ailleurs. Tout ce qui a été fabriqué est extrêmement utile. Il va falloir qu’on renforce ce volet recherche sur les questions de santé.

L’UN-CHK vous remercie pour votre disponibilité.

C’est moi qui vous remercie.

Télécharger la version pdf de l’entretien

Entretien réalisé par Garmy SOW

Chargée de Communication externe et digitale à l’UN-CHK 

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