Webinaire sur le système éducatif sénégalais : les Professeurs Mary Teuw NIANE et Kalidou DIALLO partagent leurs visions après 60 ans de réformes
Pour ce nouveau numéro des « Rendez-vous de la Recherche » initié cette fois-ci par le Pôle Lettres, Sciences humaines et de l’Education et organisé par le Pôle d’Innovation et d’Expertise pour le Développement (PIED) de l’Université numérique Cheikh Hamidou KANE (UN-CHK), les Professeurs Mary Teuw NIANE et Kalidou DIALLO, respectivement ancien Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) et ancien Ministre de l’Education nationale (MEN), étaient les intervenants. Ils ont évoqué le système éducatif sénégalais, autour du thème : « 60 ans de réformes éducatives au Sénégal et grands moments de l’évolution du système éducatif au Sénégal : visions d´avenir selon deux anciens Ministres ». La modération a été assurée par le Dr Abdoul Alpha DIA, Directeur des Etudes de la Recherche et de l’Innovation de l’UN-CHK. Comme dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne et pendant des décennies, le Sénégal a vu son secteur de l’éducation et de la formation évoluer au rythme de divers restructurations, réorientations, innovations et changements, particulièrement sur le plan pédagogique. Plusieurs concertations entre les forces vives de l’éducation nationale ont eu lieu pour réfléchir sur les voies et moyens de garantir aux sénégalais, un enseignement de qualité et pour tous. Avec l’équation de la pandémie de la Covid-19 et ses conséquences, la question sur l’adaptabilité du système éducatif sénégalais semble s’imposer naturellement. Durant son propos introductif, le Pr Moussa LO, Coordonnateur de UN-CHK, après avoir souhaité la bienvenue aux deux illustres conférenciers du jour, a souligné l’importance qu’accorde l’institution à ce type de rencontres d’échanges sur des questions et enjeux d’intérêt national, particulièrement depuis le début de la pandémie avec la tenue régulière de webinaires de haut niveau. L’UN-CHK, a-t-il rappelé, tient à jouer pleinement sa partition dans la recherche de solutions et de performances dans l’enseignement supérieur au Sénégal. Premier intervenant de ce webinaire, le Pr Kalidou DIALLO, a procédé à une présentation des différents processus de réformes du système éducatif sénégalais depuis l’indépendance, la problématique des innovations avant de faire un inventaire des principales innovations pédagogiques et structurelles mises en place par l’Etat du Sénégal. Tentative d’africanisation des programmes d’enseignement dans les premières réformes En introduction, il a rappelé que le Sénégal, à l’instar de nombreux pays africains après les indépendances, a tenté de mettre en œuvre des réformes, soit pour corriger les dysfonctionnements du système éducatif hérité de la colonisation, ou pour adapter les politiques éducatives aux réalités nationales et aux besoins de développement du pays. La première grande tentative de réajustement du système, a-t-il relevé, demeure la loi d’Orientation 71-36 introduisant l’Enseignement moyen pratique qui, selon lui, a surtout tenté d’africaniser les programmes dans une perspective d’enracinement et d’ouverture. L’année 1981 constitue également pour le Pr DIALLO une date marquante de l’évolution du système avec la tenue des états généraux de l’Enseignement et de la Formation. En effet, dans leurs recommandations figuraient une réforme profonde du système sous l’impulsion du Ministère de l’Education nationale et de l’Institut national d’Etude et d’Action pour le Développement de l’Education (INEADE) comme maître d’œuvre. Des initiatives ont ainsi été prises par d’autres acteurs, en l’occurrence des organisations non gouvernementales (ONG), des associations ou organismes internationaux, pour introduire d’autres approches pédagogiques et toucher d’autres cibles, notamment l’enseignement informel, avec des fortunes diverses. Sur le plan des innovations, le Pr Kalidou DIALLO a précisé que dans le principe, elles devaient se traduire par une amélioration de la qualité des enseignements et des apprentissages ou encore des conditions d’études. C’est dans ce cadre qu’un certain nombre d’actions ont été exécutées. C’est le cas de l’introduction des TIC dans les apprentissages de base, de l’éducation inclusive (intégration d’enfants handicapés dans les écoles élémentaires), du numérique à l’école élémentaire, du projet de renforcement de l’enseignement des sciences, des mathématiques et de la technologie (PREMST), du volontariat, de la création de lycées d’excellence etc. Mais d’après les évaluations, elles se sont particulièrement heurtées aux nombreuses résistances au changement. Par ailleurs, les données quantitatives du Système national d’Evaluation des Rendements scolaires (SNERS) ou du Programme d’Analyse des Systèmes éducatifs de la CONFEMEN (PASEC) sur l’efficacité du système éducatif ou des apprentissages ont montré les limites des performances des élèves. Pour l’historien, après des décennies d’initiatives, on constatera de nombreux dysfonctionnements du système, miné par de nombreuses grèves, la déperdition scolaire, la problématique du maintien des filles à l’école, le taux de chômage élevé des jeunes diplômés, la concentration des jeunes dans les villes et les universités, sans réelles perspectives. Les moyens financiers constituent aussi pour lui, un obstacle majeur. En effet, il a fait savoir que ces derniers proviennent souvent de l’extérieur. Ce qui explique selon lui, la disparition de chaque innovation entamée dès que le bailleur se retire du projet. Il a en outre déploré le tiraillement et la concurrence existant entre les institutions et départements du Ministère de l’Education nationale au sujet de l’attribution et de la gestion des projets. Insister sur le processus « recherche-action-expérimentation » dans les innovations Dans la perspective d’assurer une pérennisation des projets, le Pr Kalidou DIALLO préconise de veiller à une évaluation systématique et une documentation en utilisant les possibilités offertes par les TIC pour mettre en ligne leurs évolutions et permettre un suivi à distance à tout chercheur ou évaluateur intéressé. Cette mesure, à l’en croire, permettra de lutter efficacement contre la rétention de l’information par les coordonnateurs et gestionnaires de projet. Il suggère également l’expérimentation de toute innovation avant sa généralisation. Ce qui revient à consacrer du temps pour que le processus recherche-action-expérimentation soit respecté à chaque étape. Autre solution proposée par le Pr DIALLO : centrer les innovations pédagogiques dès le départ sur l’amélioration des performances des apprenants, approfondir la recherche sur l’enseignement informel, consolider les initiatives de contrats de performance pour assurer un relèvement conséquent des performances scolaires etc. Le Pr Mary Teuw NIANE, second intervenant de cette édition des « Rendez-vous de la recherche », a pour sa part axé sa communication sur le système d’enseignement du supérieur de 1990 à nos jours ». L’année 1990 est pour